“A l’origine, nous étions un groupe d’amis choristes qui avait envie de faire de la musique d’une manière un peu différente”. Arcana est un chœur lyrique né il y a neuf ans. Chaque année, ils se produisent dans une église pour interpréter la musique classique alliée à d’autres sens. Que ce soit par la vue, le goût ou l’odorat, chaque concert a pour ambition de créer des liens sensoriels avec la musique. C’est ainsi qu’après plusieurs collaborations, Pierre Aulas nous a proposé de pousser l’expérience un peu plus loin : organiser un premier concert olfactif !
Chaleur, encens et musique
Nous sommes accueillis par les choristes d’Arcana dans l’entrée de l’église. Un brouhaha se fait entendre pendant que le parfum de l’impatience s’intensifie. Pierre Aulas, vêtu d’un nœud papillon rouge, distribue les pochettes parfumées à son public. Le parfumeur essaye de cacher sa nervosité, quelques minutes avant de livrer la première des deux représentations de son concert olfactif.
Il est bientôt 21h30. Les choses sérieuses vont commencer. Accompagnés par l’odeur de l’encens, nous nous dirigeons au cœur de la nef pour rejoindre nos places. Toutes les chaises sont pourvues. Munis d’un éventail, de notre pochette Bon Parfumeur et du programme, nous nous apprêtons à vivre cette expérience unique !
Une symphonie olfactive
Pierre Aulas, micro à la main, monte sur scène et prend la parole. Derrière lui, les choristes d’Arcana montent sur scène, silencieux pour le moment. “Il y a de nombreux liens entre la musique et le parfum”, nous confie le parfumeur.
Le premier acte, nommé “céleste”, en est une première illustration. Musique et parfum évoquent légèreté et sérénité : on se sent transporté vers le ciel. Le chœur est éclairé d’un nuage de fumée bleuâtre. Son chant, magnifique, emplit doucement la nef tandis que l’odeur d’encens qui embaumait l’église laisse place à la fragrance 702. Boisée, ses notes d’encens, de lavande et de bois de cachemire viennent enchanter nos narines. Tout le public se surprend à ressentir une agréable sensation de sérénité. Ce premier acte est une franche réussite.
“La femme entretient un lien étroit avec le parfum”. Par ces mots, Pierre Aulas, plus confiant qu’au début du concert introduit le second acte, “l’hommage à la femme”. En citant Coco Chanel (“Une femme sans parfum est une femme sans avenir”), il nous présente l’eau de parfum florale 101, à la rose, au pois de senteur et au cèdre blanc. Pendant que les effluves parfumées nous parviennent, le chœur entame Salve regina, une composition rendant hommage à la Vierge Marie. Semblables à des statues, les choristes, immobiles, laissent place à la Soprano Ludmilla Bouakkaz. Cette dernière, par ses mouvements, illustre Haï Luli, une composition intense et frappante : “J’avais le souffle coupé, elle a une si belle voix ! Et le ton ! De plus, le parfum contribue à créer l’ambiance” affirme Chloé, une femme d’une trentaine d’années.
Pour le dernier acte, le groupe de choristes est entouré d’un nuage rougeâtre, nous transporte en Orient. Inspiré des djinns, démons orientaux, cet acte est influencé par l’imaginaire oriental, cultivé par la France au cours du XIXe siècle. Nous sommes tous tenus en haleine, comme aspirés par le chœur qui captive pleinement notre attention. Envoutés par la fragrance 301, ambrée et épicée, nos âmes sont transcendées par les voix majestueuses des choristes. “C’était intense ! J’avais l’impression d’être face à la terreur. Leurs yeux étaient si expressifs !” affirme Mélusine, une spectatrice. Enfoncés dans nos chaises, nous assistons à un final saisissant. Les dernières notes de piano retentissent dans l’église.
Un silence suit, bref mais profond. Il est ensuite déchiré par un tonnerre d'applaudissements. Le public est conquis, Pierre Aulas tout sourire. La tension tombe enfin. Sourire au lèvre, Pauline, influenceuse sur Instagram et TikTok, nous confie : “J’ai adoré le concert ! C’était très original de mélanger nos sens. Les parfums avaient une senteur unique, qui reflétait les musiques.”. Sous les coups de 22h30, l’église se vide petit à petit, certains spectateurs et membres de la famille restent pour échanger avec les choristes. Pierre, le nœud papillon défait, rigole, en affirmant qu’il est nécessaire pour lui de trouver “un prochain moyen d’expression pour rendre la musique classique captivante”. A ce moment…
Article écrit par Aurélie Gonneau et Romain Brizay le 27 juin 2023
Photographies prises par Pauline GrosJean @pauline_photos